jeudi 12 avril 2012

Extrait : Pourquoi est-il si difficile de remettre en cause sa façon de penser ?

Le passage suivant est un dialogue extrait du roman Poussières dans l'espoir, que vous pouvez vous procurer ici.


- Pourquoi as-tu remis en cause ta façon de penser ?
- Je ne sais pas. Sans doute parce que tu m'as donné un indice pour m'indiquer de le faire.
- Oui, admit-il. Mais ce n'est pas suffisant. Chaque jour, des gens en invitent d'autres à remettre en cause leurs certitudes, mais quelle que soit la masse d'informations que l'on apporte, ils se refusent à changer leur façon de raisonner. Si tu as pu le faire, c'est parce que ta vie en dépendait. Ta façon confortable de raisonner était tout à coup un frein à ta survie, un frein à ton bien-être. Le problème est là aujourd'hui. Dans notre pays et dans la majorité des pays "occidentaux", nous baignons dans le mensonge dès la plus tendre enfance. Nous avons tous appris que quatre et trois faisaient cinq, et nous avons vu ce qui arrivait à ceux qui osaient dire que ça faisait sept. Notre esprit a intégré tout ça. Et les gens préfèrent donc vivre dans un mensonge à peu près confortable plutôt que d'accepter la vérité. Parce qu'ils ne souffrent pas encore assez. Parce qu'on leur promet que la vérité les fera davantage souffrir que de rester dans le mensonge. As-tu déjà vu le film Matrix ? Dans ce film, tu as d'un côté la réalité, qui est sordide, triste, noire, un monde de difficultés, un monde où il faut se battre chaque jour pour survivre. De l'autre côté, tu as la matrice, un monde qui ressemble au nôtre, un monde à peu près en paix, dans lequel on vit une vie plutôt normale, sans crainte de mourir à chaque instant. Mais ce n'est qu'un monde illusoire, dans lequel se retrouve l'esprit de gens qui, dans la réalité, sont de simples corps enfermés dans une bulle visqueuse pour servir de piles à des machines.
- Oui, je connais ce film…
- As-tu déjà demandé autour de toi ce que les gens choisiraient si on leur proposait la pilule bleue, celle où l'on reste dans ses songes, et la pilule rouge, celle où l'on s'éveille enfin pour être libre mais dans un monde hostile ? Et bien sache qu'une énorme proportion de gens choisirait la pilule bleue, comme le traître du film. Tout simplement parce qu'entre la réalité, la liberté qui vous fait souffrir et le mensonge teinté de lâcheté dans lequel on vit normalement, tout le monde choisit le mensonge. Et toi, que choisirais-tu ?
- Je… je pense que je choisirais la réalité.
- Conneries ! répondit-il d'un ton vif. Tu resterais dans le mensonge toi aussi. Tu es lâche. Tu sens ce qui ne va pas, mais tu refuses toujours d'entendre la vérité. Tu préfères te choquer. Tu es pleutre. Il n'y a qu'à voir ton attitude au boulot. Te faisant marcher dessus par tous, par les élèves, par ton syndicat, par ton supérieur, par les parents d'élèves. Et plutôt que d'affronter la réalité, tu fuis, tu te mets en congé maladie.
- Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne veux pas perdre mon boulot ! M'énervai-je.
- Exactement. Tu fais comme tous ces gens, tu refuses de remettre en cause quoi que ce soit parce que la liberté empirerait ta situation, du moins le crois-tu. Je devrais te tuer quand j'entends ça. J'ai envie de te tuer. J'ai envie que tu saches que j'ai envie de te tuer, qu'enfin tu te rendes compte que ta situation empirerait. Mais je veux aussi savoir si tu peux changer. Je veux savoir si c'est seulement possible. Et je sais que les questions que tu te poses sont autant de graines d'espoir qui ne demandent qu'à germer. Mais comment savoir si ce sont vraiment des graines, ou simplement des poussières d'espoir qui ne donneront rien ? Les gens peuvent se réveiller quand leurs conditions se dégradent, quand il n'y a plus vraiment de différence de souffrance entre leur monde de mensonge et le monde de la réalité. Le problème, c'est que quand on en arrive à cette situation dégradée, il est souvent trop tard. Pire, on est parfois encore plus à même d'accepter une nouvelle série de mensonges, encore plus graves que les précédents, à partir du moment où la qualité de notre vie futile s'améliore à nouveau.
- Mais que peut-on faire alors ?
- Je n'en sais rien. Je ne peux rien faire de toutes façons, j'ai tué des gens, c'est terminé pour moi. Il n'est rien de plus dangereux que de faire porter la vérité par quelqu'un de mauvais. La vérité en devient inacceptable. Ça fait également parti du plan. Peu importe que le nationalisme soit la seule solution ou non, du moment qu'il est associé aux chambres à gaz, alors personne ne voudra opter pour cette solution. Et à moindre échelle, s'il est associé à moi, ce sera la même chose. Mais tu sais, même si la vérité est portée par quelqu'un de droit, quelqu'un de bon, il reste toujours le mensonge et la manipulation pour contrer cela.



La suite est à lire dans le livre. http://www.anthony-hirigoyen.fr